Les places de la ville, les lieux publics de rassemblement de la population et les carrefours urbains, sont les lieux d’élections pour les monuments commémoratifs. Les espaces dégagés qu’ils proposent sont propices à être transformés en lieux de mémoire et à interpeller les passants.
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PETITE ENFANCE (0-6 ANS)
Le Vase de Soissons
Élément fédérateur et incontournable de l’histoire de France, le vase de Soissons fascine l’imagination : sans doute parce qu’il demeure le fruit d’un récit oscillant entre histoire et légende…
Nous sommes à la fin du Ve siècle de notre ère, dans les années 490. Un guerrier franc, Clovis, vient de fracasser le crâne d’un soldat. Ce dernier refusait de lui restituer un vase réclamé par un évêque.
Pas d’Internet, pas de réseaux sociaux… Autant dire que l’information prend son temps pour circuler. L’histoire du Vase est en effet rédigée… plusieurs décennies après les possibles événements. Les différents protagonistes, Clovis, le soldat incriminé, l’évêque ayant demandé la restitution du vase dérobé dans une église n’ont pas témoigné directement. Quant au vase, il reste toujours introuvable !
En fait, le récit naît près d’un siècle après les faits sous le règne du petit-fils de Clovis, Sigebert, sous la plume de Grégoire, évêque de Tours, mort en 594. L’évêque écrit alors sa célèbre Histoire des Francs en dix livres. C’est dans le livre II qu’il est question du vase de Soissons.
Rémi, Grégoire, Hincmar… Des témoignages fragiles
Le texte de Grégoire de Tours est court, parfois imprécis : impossible de savoir à quelle église ce vase appartenait, ni quel évêque le réclamait.
C’est bien de cela qu’il s’agit : la restitution par Clovis d’un vase à la demande d’un évêque. Traditionnellement, les Francs se répartissent équitablement le butin issu d’une victoire sur le champ de bataille. Or, cette fois, Clovis souhaite que ce vase fasse exception. Un soldat s’y oppose et pour marquer avec force sa désapprobation préfère assener un grand coup de hache au vase.
Une histoire soissonnaise
Quelques mois plus tard lors de la revue de ses troupes, Clovis qui n’a pas oublié cet affront, se retrouve nez à nez avec ce soldat.
Clovis le houspille vertement, ses armes ne sont guère entretenues. Le soldat se baisse, Clovis lui inflige le coup de hache fatidique. L’histoire est belle. Peut-être trop. Ou pas assez.
Deux siècles et demi plus tard, deux autres auteurs s’emparent du texte de Grégoire de Tours. Parmi eux, l’archevêque de Reims, Hincmar, rédige la vie de saint Remi entre 870 et 878. Dans sa version, le Vase de Soissons devient un vase appartenant à l’Eglise de Reims, pillé par les soldats de Clovis et réclamé par l’évêque saint Remi…
Soissons, au cœur des luttes de pouvoir
Seule certitude confirmée par les différents auteurs : le partage du butin s’est bien passé à Soissons.
Sur ce point, le récit semble historiquement complètement recevable. La fin du Ve siècle marque celle de l’empire romain. Comme dans toutes les cités de Gaule, Soissons renoue après plusieurs siècles de paix avec un temps soudain d’insécurité. On parle dans les récits de l’époque de hordes de barbares déferlant soudainement sur le monde romain civilisé. On notera au passage que Clovis, guerrier franc, est issu de ceux-ci.
Dans l’urgence, des pierres sont récupérées en sacrifiant certains bâtiments afin de venir clore les cités derrière des remparts. Pour de très nombreuses cités, dont Soissons, ces fortifications vont exister, régulièrement modernisées, jusqu’à la fin du XIXe siècle. Désormais hors des remparts de la cité, le site du théâtre romain sert alors de carrière de pierre à ciel ouvert.
Episode fondateur
Mais pourquoi Clovis a-t-il donc installé son pouvoir à Soissons ? Sans doute pas par hasard et assurément parce que Soissons était la seule cité dans le Nord de la France où survivait le pouvoir romain en la personne de Syagrius, après la chute de l’Empire (476). Clovis le défait en 486 et profite alors d’une ville dotée de toutes les infrastructures d’une métropole locale largement romanisée : chaussées romaines, théâtre, castrum….
C’est de là qu’il mène des opérations de pillage contre les rebelles à son autorité. L’épisode du vase souligne indéniablement l’importance militaire de Soissons. C’est à Soissons que Clovis inaugure la saison militaire marquée par le passage en revue de ses soldats à l’occasion du « Champ de Mars ».
Le geste du jeune roi des Francs envers le soldat prouve son autorité et la discipline qu’il fait régner parmi ses troupes.
Puis, au XIXe siècle, l’école de la République porte Clovis, comme d’autres figures, Vercingétorix ou Jeanne d’Arc, au panthéon national.
Nous ne savons toujours pas si l’épisode du Vase exista mais l’ensemble de ces récits en ont fait un incontournable de notre histoire collective.
Le Vase et Soissons
Un vase en plein Cœur de Ville
Au centre de la place Fernand Marquigny s’élève depuis 1935 un monument particulier dont les choix ornementaux puisent dans différents registres. L’esprit du XIXe siècle s’exprime à travers la représentation allégorique de la France ou encore le culte des grands personnages de l’Histoire de France comme Clovis et Jeanne d’Arc.
Un Vase et une fontaine
En 1998, la ville de Soissons lance une commande publique sous forme de concours pour la création d’une fontaine. Guy Lartigue, né en 1927, est déjà l’auteur d’un certain nombre de « sculptures fontaines » en France. Il imagine une sculpture qui fonctionne comme un témoignage sur le thème du Vase… Le cuivre, le laiton, le granit et l’inox sont ses matériaux de prédilection. Il choisit d’associer l’eau, élément naturel très présent dans la ville, à l’inox du vase fendu, référence immédiate à Clovis.
Beaucoup d’autres vases sont visibles à Soissons, pour qui sait prendre le temps d’observer…. à vous de les trouver !
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